http://www.liberation.com/page.php?Article=328975C'est une première. L'Etat a été condamné mardi à payer 36 000 euros pour défaut de scolarisation à la famille d'un autiste lyonnais de 14 ans. L'affaire n'est pas réglée pour autant. Le tribunal n'a pas obligé la préfecture à lui trouver un établissement. Or l'adolescent qui présente le développement intellectuel d'un enfant de 2 ans en cherche un depuis 2002.
Pourtant, cette année, placée sous le signe du handicap, aurait dû lui sourire. La loi du 11 février 2005 dit que chaque enfant handicapé doit être inscrit systématiquement dans l'établissement le plus proche de son domicile. «Les parents ont beaucoup d'espoir, mais aucun décret ne nous a encore été présenté», dit Christian Caron, de l'Association des paralysés de France (APF).
Décisions arbitraires et ubuesques
L'exemple lyonnais a fini devant les tribunaux. Il est extrême. D'autres cas, accumulation de décisions arbitraires, de situations ubuesques, sont tout aussi exemplaires de ce qui ne devrait pas arriver. Ça se passe dans l'est de la France. Cette petite fille souffre d'incontinence mais elle est capable de se contrôler, avec l'aide d'une assistante de vie scolaire (AVS). Le problème, c'est que l'AVS est absente un jour par semaine, le vendredi. Ce jour-là, la petite fille n'a qu'à se retenir. Jusqu'à ce que sa mère vienne l'aider, en classe, contribuant à la stigmatiser davantage.
Dans l'Ouest, ce petit garçon souffre d'un handicap moteur. Le jour de la rentrée, on lui apprend que son AVS a démissionné. Il attendra donc qu'on lui en trouve une autre pour rejoindre ses camarades. Et puis il y a Océane, 11 ans. Atteinte d'une tumeur cérébrale gravissime. Valide physiquement. Souffrant de dyslexie, elle mémorise lentement. Certes, on lui a bien trouvé une assistante de vie scolaire trois heures par semaine. Mais c'est précisément au moment où Océane est en soins.
Enfin, il y a le petit Y. atteint de myopathie évolutive, à qui l'administration, qui s'est trompée, propose d'abord un collège parisien qui n'accueille pas les handicapés. Puis un autre, «à Tataouine», comme dit, furieux, l'ancien directeur de l'école où Y. était scolarisé. Parce que le collège de son secteur, ce n'est pas possible. «Le quota de personnes handicapées est dépassé», répond l'administration. Résultat : Y. a perdu ses copains, gagné le droit de circuler en taxi plus d'une heure par jour et de rentrer chez lui crevé. Après l'intervention de parents, une lettre d'un sénateur au ministère le rectorat faisait jusque-là la sourde oreille , Y. a trouvé «miraculeusement» une place dans le collège avec ses amis. A côté de chez lui.
«Pour les handicapés, on a souvent à faire face à un manque d'intelligence de la situation», explique Christian Caron. C'est peu de le dire. «On ne fait jamais assez pour eux», dit un ancien fonctionnaire spécialiste de ces questions. «Pour que les handicapés se sentent complètement réparés, ce n'est pas seulement une question de moyens», ajoute ce même conseiller. Pour lui, l'Education nationale doit améliorer les «liaisons» entre premier et second degrés. Car, à chaque fois, «les parents ont le sentiment qu'ils doivent tout reprendre à zéro».
«Problèmes périphériques»
Difficile de savoir combien de personnes souffrent de ces situations. Selon le ministère de l'Education nationale, 250 personnes handicapées en France resteraient en attente d'une solution. Un chiffre qui est peut-être sous-estimé, vu la difficulté des inspections académiques à faire remonter ce type d'informations. A l'APF, officiellement, «il n'y a pas de chiffre national. Le ministère nous répond que ce sont des problèmes périphériques de personnes qui se régleront au fur et à mesure».
Le ministère constate une augmentation «considérable» de l'accueil des enfants handicapés. «Il y a des problèmes individuels qu'on essaie de résoudre», dit un conseiller du ministre. «Tous les ans, il y a une amélioration de cet accueil.» 133 000 personnes entrent dans le primaire et le secondaire et 7 000 dans le supérieur. «Les choses bougent, il y a encore des cas sanglants et arbitraires, tempère Christian Caron Mais quelque chose a changé chez les enseignants. Ils ne refusent pas, mais se demandent quels moyens vont être mis en regard.»